Quand Méobecq construisait Québec

Pour devenir évêque de Québecq, François de Laval dépouillera l'abbaye de Méobecq

C'était l'époque où l'abbaye de Méobecq, en Brenne, relevait de l'évêché de Québec...

En 1663, les habitants de Méobecq reçoivent une ordonnance du nouveau responsable de leur abbaye : "Monseigneur l'Evêque de Pétrée, conseiller du roi en son conseil, vicaire apostolique de la nouvelle-France et abbé commendataire de Méobec, (...) interdit de blasphémer le saint nom de Dieu dans toute l'étendue de la justice de Méobec sous peine d'amende arbitraire payable par prison. Il défend de donner à manger et à boire au bourg pendant le service divin sous peine d'amendes applicables aux réparations de l'église et au soin des pauvres"1 C'est le premier acte de justice seigneuriale de celui qui allait bientôt devenir le premier Evêque de Québec, François de Laval.

    Un acte qui marque les débuts de la curieuse union, pour plus d'un siècle, de ce morceau de Brenne aux colonies de Nouvelle-France. En effet, à partir de 1663-1664, les revenus de l'abbaye vont servir à financer le futur évêché de Québec, que Rome avait refusé de reconnaître en 1658, faute de ressources suffisantes.

 1 Bulletin de la Société Académique du Centre, Janvier-Mars 1895.

Un nouvel évêché

 

   L'histoire de l'Amérique française a alors près de 130 ans d'existence, depuis l'arrivée de Jacques Cartier dans l'estuaire du Saint-Laurent en 1534. En 1608, aprés un premier établissement dans l'actuelle Nouvelle-Ecosse, Champlain fonde le Québec. On espère alors développer le commerce, notamment celui des peaux, avec les Indiens. La première famille de colons arrive en 1617. En 1640, la colonie compte près de 300 habitants. A la veille du rattachement de l'abbaye de Méobecq, ils sont près de 3000. L'influence française déborde alors largement les limites actuelles du Québec, puisqu'elle s'étend du Labrador à l'actuelle Louisiane! C'est le territoire des coureurs des bois, des aventuriers qui commercent avec les Indiens. Les Français favorisent alors le développement de comptoirs, contrairement aux Anglais, qui, très tôt, font de l'Amérique une colonie de peuplement.

    La création de l'évêché de Québec est intimement liée à la personnalité de François de Laval, aujourd'hui l'un des personnages fondateurs les plus célébrés de la "Belle-Province". Né à Montigny-sur-Avre, en Normandie, en 1623, ce rejeton d'une grande famille française, les Montmorency, est ordonné prêtre en 1647, puis évêque 11 ans plus tard. Alors qu'il doit partir en Mission au Tonkin, il est réclamé par les Jésuites de Québec. Il débarque en Amérique en 1659. C'est le début d'une oeuvre considérable de missionnaire et de bâtisseur, qui ne s'achèvera qu'à sa mort, en 1708. Particulièrement attentif aux amérindiens, il s'oppose d'emblée à l'importation d'alcool échangé contre les fourrures par les marchands européens.2 ... Il en obtient l'interdiction en 1679. Comme le note Hermann Guigère,3 l'évangélisation de ces populations lui "tenait à coeur". Mais il exerce son ministère en direction de toutes les populations qui habitent l'immense territoire dont il est le pasteur, aux dimensions de l'Amérique. Il travaille ainsi à la construction d'écoles, à la fondation de confréries pour renforcer la solidarité entre colons. Il organise aussi l'Eglise, notamment par la création d'un Séminaire des Misions Etrangères de Paris.4

    Mais pour conforter cette oeuvre, François de Laval veut, à tout prix, que le Saint Siège élève son territoire au rang d'évêché. Après un premier refus de Rome, il lui faut trouver de nouvelles sources de financement, conformément aux demandes pontificales. Le roi de France lui en accorde trois : l'abbaye de Bénévent, en Limousin, de l'Estrée, dans le diocèse d'Evreux et de Méobecq, au coeur de la Brenne...

2 Lucie Bélinge, "Mgr François de Laval, premier évêque de Québec", dans la revue Notre-Dame du Cap, Juin-Juillet 1997.

3-4 Hermann Giguère, "La vision du Pasteur du Bienheureux François de Laval.

 

Au service de la "Nouvelle France"

    En cette moitié du XVIIe siècle, l'abbaye de Méobecq n'est plus que l'ombre d'elle même. Elle a été ravagée un siècle plus tôt, en 1569, par l'armée du Prince de Condé, lors des guerres de religions. L'église abbatiale a été brûlée et l'on a dû tronquer une partie de la nef. Cet établissement bénédictin a pourtant un passé prestigieux. Fondé selon la légende, par Saint Cyran, consacré en 1048, le monastère règne alors sur un territoire imposant, correspondant aux actuels cantons de Méobecq et de Neuillay-les-Bois, et comprenant "des prés, 2000 arpents de bois, 2000 boisselées de brandes et une vingtaine d'étangs" 5 En outre, 16 églises et chapelles des diocèses de Bourges et de Tours dépendent de lui.

    Quand François de Laval prend possession de l'abbaye et de ses revenus en 1663, le monastère ne compte plus que cinq moines qui ne respectent, semble-t-il, plus aucune vie communautaire. Ils habitent, d'ailleurs, dans les maisons du bourg. Depuis longtemps, il est vrai, Méobecq ne dépend plus que d'un abbé " commendataire" : ce statut permet un laïc de percevoir les bénéfices sans résider sur place ni se préoccuper de la vie spirituelle de son établissement... En 1663, l'abbaye, est vacante. François de Laval conclut donc un accord avec les moines : ceux-ci doivent se défaire de leurs revenus, " provenant de cens, dîmes, prés, étangs et diverses rentes qui s'échelonnent de 200 à 800 livres"6 au profit des établissements de Nouvelle-France, en contrepartie d'une rente annuelle. Le traité officiel n'est signé qu'en 1673, 10 ans plus tard, à l'occasion d'un voyage en France de François de Laval! Et le but est bientôt atteint : le 1er Octobre 1674, Laval est nommé évêque du tout nouveau diocèse de Québec, enfin reconnu par le Pape

    En France, il obtient également du roi l'attribution des revenus des sept anciens prieurs, bénéficiaires des revenus!

5 Association pour la sauvegarde du patrimoine de Méobecq.

6 Carole Demay "L'abbaye de Méobecq et ses abbés Québecois", mémoire de maîtrise, Université de Limoges.

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Un peu d'histoire

Le premier monastère n’est constitué que de cabanes en bois et d’une église primitive.

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